Climat et intelligence artificielle générative : leviers d’adaptation ou nouveaux risques environnementaux ?

Climat et intelligence artificielle générative : leviers d’adaptation ou nouveaux risques environnementaux ?

Comprendre l’impact du climat et des nouvelles technologies

La question climatique est aujourd’hui un enjeu majeur pour les sociétés contemporaines. Qu’il s’agisse de la montée des températures, de l’intensification des évènements climatiques extrêmes ou de la perte de biodiversité, les impacts du réchauffement climatique invitent à repenser nos modèles économiques, énergétiques et technologiques. À cette équation environnementale déjà complexe vient désormais s’ajouter une autre révolution : celle de l’intelligence artificielle générative (IAG). ChatGPT, Midjourney, DALL·E, ou encore Bard, deviennent des outils omniprésents dans la création, la communication et même la gouvernance. Mais quels liens établir entre ces technologies émergentes et les défis climatiques ?

L’intelligence artificielle générative, si elle offre des perspectives de transformation durable dans plusieurs domaines, suscite également des inquiétudes concernant son empreinte énergétique et environnementale. Cet article propose d’explorer cette dualité : à la fois outil d’adaptation face aux enjeux climatiques et source de nouveaux risques environnementaux.

Définition : qu’est-ce que l’intelligence artificielle générative ?

L’intelligence artificielle générative désigne une catégorie d’algorithmes d’IA capables de produire du contenu nouveau — texte, image, audio, vidéo — en s’appuyant sur des données d’apprentissage massives. Contrairement aux systèmes traditionnels qui analysent ou classifient des données, ces technologies génèrent du contenu original, souvent difficile à distinguer de celui créé par l’humain.

Ces IA sont rendues possibles grâce aux modèles de langage de grande taille (LLM pour « Large Language Models »), dont l’entraînement nécessite d’énormes ressources computationnelles. Chacun de ces modèles est le résultat de calculs réalisés sur des centaines de milliards de mots et d’images, sur des centaines ou des milliers de processeurs en parallèle, engendrant ainsi une consommation énergétique non négligeable.

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Les promesses climatiques de l’IA générative

Malgré leurs contraintes environnementales, les IA génératives peuvent représenter de précieux leviers d’adaptation et d’atténuation du changement climatique. Voici quelques domaines dans lesquels leur rôle est déjà remarqué, ou prometteur :

  • Modélisation climatique avancée : Grâce à des IA toujours plus performantes, les chercheurs peuvent affiner les modèles atmosphériques et prévoir avec plus de précision les évènements extrêmes. En générant des scénarios multiples, l’IA offre un outil précieux pour l’anticipation et la gestion des risques.
  • Soutien à l’architecture durable : Les professionnels du bâtiment peuvent utiliser des IA génératives pour concevoir des structures éco-conçues, optimiser la consommation énergétique ou simuler le comportement thermique de bâtiments dans divers scénarios climatiques.
  • Aide à la décision pour les politiques publiques : L’IA peut être mobilisée pour analyser des millions de données environnementales, économiques et sociales afin de recommander des politiques environnementales fondées sur des modèles objectifs et actualisés.
  • Optimisation des réseaux énergétiques : L’intelligence artificielle peut générer des simulations pour optimiser la gestion des réseaux électriques, notamment dans l’intégration des énergies renouvelables (solaire, éolien), qui nécessitent une flexibilité accrue du réseau.
  • Sensibilisation par le contenu généré : Des outils IA permettent de produire rapidement du contenu éducatif et engageant autour des enjeux climatiques, facilitant la diffusion des savoirs, y compris auprès des jeunes générations ou dans les zones peu dotées en experts.

Une empreinte environnementale préoccupante

Si les applications positives de l’IA générative sont indiscutables, leur développement exponentiel s’accompagne d’un coût énergétique loin d’être anecdotique. Leur entraînement nécessite une quantité colossale d’énergie, souvent issue de sources fossiles dépendamment de la localisation des centres de données.

À titre d’exemple, le simple entraînement du modèle GPT-3 aurait consommé environ 1 300 MWh d’électricité – suffisant pour alimenter un foyer moyen pendant plus de 120 ans. Cette énergie alimente non seulement les calculateurs mais également les systèmes de refroidissement essentiels au fonctionnement de ces infrastructures. En découle une importante émission de gaz à effet de serre, contribuant elle-même au changement climatique.

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Par ailleurs, l’usage massif au quotidien de ces IA (requêtes, génération de contenus à la demande, etc.) additionne une consommation énergétique non négligeable, notamment si l’adoption continue sa trajectoire ascendante.

Vers une AI responsable et durable

Face à cette dualité, un mouvement émerge en faveur d’une intelligence artificielle responsable, reposant sur deux piliers : la sobriété numérique et l’optimisation énergétique.

La sobriété numérique consiste à repenser les usages de l’IA selon leur utilité réelle. Cela signifie par exemple éviter d’utiliser des IA génératives simplement pour créer des contenus à faible valeur ajoutée, ou limiter leur usage quand des alternatives plus légères existent.

Du côté des constructeurs de modèles, plusieurs pistes s’imposent :

  • Développer des modèles plus efficients, c’est-à-dire capables d’offrir des performances similaires avec une empreinte écologique moindre.
  • Utiliser des infrastructures basées sur des sources d’énergie renouvelables, en transférant par exemple les data centers dans des pays bénéficiant de mix énergétiques plus verts.
  • Miser sur le recyclage de données et les modèles prénormés pour éviter de repartir de zéro lors de chaque nouvel entraînement.

Par ailleurs, une réglementation plus stricte pourrait émerger afin de contraindre les développeurs de modèles à publier des indicateurs de performance environnementale et à intégrer des critères de durabilité dans l’évaluation des IA.

Des opportunités pour les entreprises et les institutions

Au-delà des enjeux techniques et éthiques, l’intégration de l’IA générative dans les stratégies climatiques représente une opportunité stratégique pour les acteurs économiques et institutionnels.

Pour les entreprises, cela signifie investir dans les technologies climat-intelligentes, qu’il s’agisse d’optimiser leur logistique avec des IA prédictives, de développer des produits plus durables ou de simuler différents scénarios d’adaptation climatique.

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Pour les collectivités territoriales, les solutions basées sur l’IA peuvent faciliter la planification urbaine en tenant compte des aléas climatiques, permettre une cartographie des vulnérabilités locales ou encore automatiser certaines politiques de suivi environnemental.

Enfin, au niveau étatique et supranational, les IA génératives fournissent déjà des outils d’aide à la gouvernance climatique à travers la modélisation socio-économique, l’analyse des politiques environnementales et la participation citoyenne par des outils accessibles et interactifs.

Se saisir ensemble de la convergence entre climat et technologie

L’intersection entre intelligence artificielle générative et enjeux climatiques constitue un domaine éminemment stratégique, à la fois porteur de transformations potentielles et de risques émergents. Si les méthodologies génératives peuvent contribuer à mieux comprendre et anticiper les impacts du réchauffement planétaire, elles doivent elles-mêmes être conçues dans une logique de faible empreinte. Investir dans des solutions responsables, co-construites avec les chercheurs, les entreprises et le tissu institutionnel, est indispensable pour que le numérique devienne un véritable allié de la transition écologique.

À mesure que la pression climatique s’intensifie, l’IA apparaîtra de plus en plus comme un outil d’optimisation, de prévision et de résilience. Il appartient désormais à tous les acteurs – citoyens, décideurs, ingénieurs – d’en faire un levier au service d’un avenir durable plutôt qu’un facteur aggravant des déséquilibres environnementaux actuels.